Aidons l’enfant à faire seul !
Lorsque nous devenons parent, nous pensons souvent à tout ce qu’il faut mettre en place pour apprendre à notre enfant à devenir un adulte aguerri, cultivé, poli (…) bref bien intégré dans notre société en toute autonomie. Dans ses écrits, Maria Montessori explique de ne pas remplir de force la tête de l’enfant mais de cultiver son désir naturel d’apprendre. Tout est en eux, il suffit de leur faire confiance et d’adapter l’environnement. Et si les enfants n’avaient pas tant que cela besoin de nous ?
Nous pensons souvent que nous devons « faire apprendre » quelque chose, partant du postulat que l’apprenant, en l’occurrence l’enfant, est passif, qu’il attend, qu’il ne sait pas ce qui est bon pour lui, que son intérêt pour les choses de la vie doit être suscité par un adulte. « Faire apprendre » met celui qui fait apprendre dans le rôle supérieur et honorable de celui qui « sait », celui sans qui rien n’est possible, celui dont est dépendant l’enfant. On imagine aussi que celui qui fait apprendre choisi quoi, où, quand, comment, puisqu’il « sait », lui. Souvent l’on pense qu’apprendre à être, apprendre à savoir n’a rien de naturel en soi et donc peut, voire doit, se faire parfois sans joie car apprendre est un impératif.
Faire confiance au développement naturel
C’est exactement l’inverse que des décennies d’observations des enfants ont révélé à Maria Montessori il y a plus d’un siècle. Sa pédagogie scientifique a permis de voir les enfants et de les aimer tels qu’ils sont et non pas tels que nous aimerions qu’ils soient et de leur faire confiance. Lorsque nous respectons leur développement naturel, le résultat est plutôt stupéfiant. Pour que ce développement naturel puisse avoir lieu, l’adulte a une seule chose à faire, et non la moindre, mettre en place les conditions avantageuses à son épanouissement et ce dès la naissance.
Lorsque que l’on parle de la pédagogie de Maria Montessori, beaucoup se figurent qu’elle ne peut s’appliquer qu’à l’école ou être adaptée dans le cadre de l’instruction en famille à grand renfort de matériel didactique à partir de 3 ans. En réalité c’est bien plus que cela. A partir de ses découvertes, une philosophie globale peut être mise en place au sein des familles dès les premières heures. Maria Montessori pense qu’un enfant ne peut être éduqué par autrui, que l’enfant ne peut agir que lui même à un moment donné ou ne le fera jamais. Nous parlons bien là des fameuses périodes sensibles, ces périodes de fascinations intenses. Nous ne sommes pas habitués à ce discours auquel de plus en plus de parents sont maintenant sensibles et nous devons faire un gros effort en tentant de nous déconditionner et ne pas considérer comme « naturels » nos réflexes, fruits eux aussi de notre propre éducation.
Des périodes sensibles
Les périodes sensibles, qui ont lieu entre 0 et 6 ans, sont passagères et permettent l’acquisition d’un caractère déterminé comme le langage, l’ordre, la propreté, la lecture, l’écriture (…). « Une fois ce caractère développé, la sensibilité cesse », explique Maria Montessori dans « L’enfant ». Elle précise aussi que : « Quand une de ces passions psychique s’est éteinte, d’autres flammes s’allument, et l’enfance s’écoule ainsi, de conquête en conquête, dans une vibration incessante, reconnue par tout le monde, et que l’on traite de joie enfantine. ». Dans un de ses autres ouvrages, « L’esprit absorbant », Maria Montessori explique comment la période la plus importante de la vie est celle qui se situe 0 et 6 ans. Toutes les capacités psychiques de l’enfant se forment durant ce laps de temps (surtout entre 0 et 3 ans) d’où l’importance de lâcher prise sur les conditions d’âge pour apprendre telle ou telle chose ou encore les programmes scolaires. Dés le début, l’enfant expérimente la joie d’apprendre sans obligation en s’imprégnant de l’information de l’environnement, ce que Maria Montessori appelle « l’esprit absorbant ». Il n’a pas eu besoin de nous pour apprendre à parler et sans qu’on ait pu rien anticiper sort de la bouche de notre bébé son premier mot. Aucun enfant ne dit le même mot et au même moment. Il est de même pour l’écriture, la lecture etc. si on leur fait suffisamment confiance et que l’on prépare une ambiance adéquate tout peut jaillir avec bonheur au moment opportun chez chaque enfant.
Attendre que l’enfant soit prêt
L’important étant d’attendre que l’enfant soit prêt naturellement. Il n’y a qu’un moment pour apprendre : celui que l’enfant à choisi et non pas celui qu’un adulte a décidé pour lui. L’adulte, lui doit changer sa posture, abandonner le rôle surpuissant qu’il pensait devoir tenir, et se tapir dans l’ombre avec humilité et bienveillance, en assistant de l’enfant. En poursuivant ses intérêts individuels (à la maison ou dans une classe Montessori) l’enfant développe l’enthousiasme d’apprendre, clé de sa réussite pour devenir l’adulte épanoui qu’il est sensé être. « Le travail de l’enfant est de créer l’homme qu’il sera » écrivait le docteur Montessori.
Adapter l’environnement
Le rôle de l’adulte est d’ôter tous les obstacle à ses capacités créatives, à la formation de son intelligence vers la perfection. C’est l’environnement qui influence le développement du cerveau. Réfreiner ses réflexes de domination d’adulte, mettre à l’aise l’enfant, avoir du mobilier adapté à son échelle par exemple, participe à lui offrir suffisamment d’aisance et de liberté pour se mouvoir et ne pas entraver son développement. Car l’enjeu est grand comme l’a découvert le médecin italien : « Si l’enfant n’a pu obéir aux directives de sa période sensible, l’occasion d’une conquête naturelle est perdue, perdue à jamais »* Si la conquête vitale est stoppée par l’adulte, la sensibilité cesse aussi et donc l’étonnante facilité durant l’acquisition aussi. Pas de panique cependant, ce qui ne se construira pas naturellement se réparera plus tard mais avec plus de difficulté c’est tout.
La main pour professeur
L’enfant (et le bébé) n’a en vérité qu’un seul professeur : sa main ! « L’organe moteur qui caractérise l’homme, c’est la main, au service de l’intelligence, pour la réalisation du travail ». L’adulte doit voir « l’activité de la main enfantine comme un besoin vital » décrit Maria Montessori. C’est à dire que le bébé ou bambin et même l’enfant, motivé par une curiosité naturelle et un amour de la connaissance va penser avec ses mains. Lui interdire de toucher, malaxer, caresser c’est stopper net une connexion neuronale quelque chose qui se construit dans le cerveau et qui sera perdue à jamais si elle est arrêtée. Empêcher ou stopper l’activité d’un enfant qui nous paraît sans importance voir inopportune, interpréter ses pleurs comme des caprices est l’erreur la plus courante. Le parent peut par exemple voir son enfant passer un temps considérable à descendre et monter les escaliers et s’agacer de cette répétition ou être tenté de faire les choses à sa place en prenant le relais d’une action jugée difficile, lente ou laborieuse, lui enlever des main un objet ou encore lui frapper les doigts en lui disant « ne touche pas ! ». Si l’enfant déterminé à continuer son action se met à crier, pleurer, nous décrétons que l’enfant fait un caprice. Maria Montessori explique l’incompréhension totale et le fossé monumental qui se creusent à ce moment là entre l’enfant et l’adulte : « Pour nous, est caprice tout ce qui n’a pas une cause apparente, toute action illogique et invincible (…) les caprices de la période sensible sont l’expression extérieure de besoins insatisfaits ; ils constituent de véritables avertissements d’une situation fausse, d’un danger ; ils disparaissent immédiatement quand il est possible de les comprendre et de les satisfaire ». Les caprices sont donc comme elle l’explique bien : « l’expression d’une perturbation intérieure » qui empêche l’enfant d’apprendre en toute liberté et ne se sent pas respecté et compétent .
Cette liberté laissée aux apprentissages, ce soutien vers l’autonomie, en laissant l’enfant s’exercer, apporte un bien être affectif supérieur et une confiance en lui même inégalable avec celui ressenti par un enfant sans cesse corrigé et repris. « L’autonomie, c’est être capable de faire quelque chose soi-même. Faire l’expérience de l’autonomie n’est pas seulement un jeu. C’est aussi un travail que l’enfant doit accomplir pour grandir. » selon Maria Montessori. Car non seulement l’impulsion de l’enfant dans son action doit être respectée mais aussi ses erreurs valorisées comme étant un pas supplémentaire vers la réussite.
L’adulte n’intervient pas lors d’une erreur
Dans un école Montessori, les groupes sont d’âge mélangés (3-6 puis 6-9) ce qui a pour effet de proposer des séries graduées de modèles d’imitations à l’enfant ou de renforcer ses connaissances et ainsi d’évoluer en toute tranquillité, sans ambiance compétitive, en étant pas « triés »par âge. Dans l’ambiance 3-6 ans l’expression des périodes sensibles peut ainsi être accueillie et respectée durant le dernier laps de temps où elles s’expriment.
L’enseignant traditionnel s’efface au profit d’un adulte bienveillant qui observe attentivement les besoins et intérêts de l’enfant, lui montre du matériel qui se manipule avec ses mains et qui répondra à son besoin. Il s’agit bien là du fameux matériel didactique imaginé par Maria Montessori inspiré des travaux de Jean Itard et Edouard Seguin. L’adulte n’intervient pas quand il se rend compte d’une erreur de l’enfant, il laisse l’enfant en faire l’expérience grâce à ce matériel le plus souvent auto-correctif et fait en sorte de « Ne jamais laisser un enfant expérimenter une situation d’échec jusqu’à ce qu’il ait une chance raisonnable de succès ». L’utilisation du matériel développe concentration et coordination et permettra la pratique d’exercices plus complexes quelques années plus tard généralement après 6 ans.
Ainsi, la posture de l’adulte est déterminante afin que l’enfant ne soit pas dévié de son développement naturel et ainsi éviter à ce que l’adulte, sous la bannière de ce qu’il nomme « éducation » parte en croisade pour : « l’attirer (l’enfant) prématurément et directement dans sa propre forme. Et il agit comme agirait (si jamais c’était possible) un papillon qui romprait le cocon de sa nymphe pour l’inviter à voler, ou une grenouille qui sortirait son tétard de l’eau, en essayant de la faire respirer avec les poumons et de changer en vert sa couleur noire qui lui déplaisait »3.
Emmanuelle Cabot
Article paru dans le hors-série numéro 11 du Magazine Grandir Autrement http://www.grandirautrement.com/fr/301-hors-series-magazine-hors-serie-numero-10.html
1 voir le numéro de Grandir Autrement n°54 sur la pédagogie Montessori article « Montessori pour la maison »
2-3 extraits de L’Enfant
Pour aller plus loin :
Maria Montessori, L’Enfant ;
Maria Montessori L’esprit absorbant,
Maria Montessori, L’enfant dans la famille
Eveiller, épanouir, encourager son enfant, La pédagogie Montessori à la maison Tim Seldin.
One Comment
Camilla
Bravo, c’est un article très intéressant ! Je suis d’avis qu’il faut laisser un enfant apprendre par lui-même. Ils n’ont pas tous le même rythme d’apprentissage, il faut savoir les aider à s’épanouir sans leur forcer la main. C’est comme faire pousser une plante. Il faut l’arroser et y prendre soin jusqu’à ce qu’elle fleurisse.