Emmanuelle Cabot
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C’est quoi un papa ?

Sacré question aujourd’hui, non ?

Voici la première définition du Larousse que j’ai trouvée sur internet : «Père : homme qui a engendré ou qui a adopté un ou plusieurs enfants : Père qui donne le biberon à son bébé».

Avant d’être père ma position pouvait être celle-là : celui qui donne la vie et participe à la nourriture de sa progéniture… Le biberon étant à l’époque pour moi la suite naturelle, passé le premier mois de la naissance du bébé. Tout cela saupoudré d’une touche de respect, d’autorité et de pouvoir évident. L’amour paternel existe, mais il est emprunt de dureté et d’image forte.

Regarder en arrière pour mieux avancer   

Je pensais évidement que l’enfant avait sa place dans la famille, mais sa « place d’enfant » : pas trop bruyant, écoutant les consignes et laissant du temps à ses parents.

Dans mes souvenirs d’enfant, mon père était peu présent physiquement puisqu’au travail, il avait l’air souvent préoccupé, attitude peu encline à la spontanéité enfantine… Il était l’image même de l’autorité et de la force. Évidemment je l’admirais ! Ma mère quant à elle était celle qui était là pour panser mes blessures, calmer mes chagrins et faire « le tampon » entre mon père et moi lors de mauvaises nouvelles (des notes à l’école par exemple) et la crainte que j’avais de lui en parler directement.

Enfant, je n’ai vu qu’une fois mon père fragile, c’était quelques heures avant son décès, la souffrance physique et la peur avaient fait tomber toutes les barrières… Je suis resté désemparé longtemps par cette ultime vision, en incohérence totale avec l’image que j’avais de lui : invulnérable sinon immortel et trop fort pour avoir mal…

Pour cette raison et bien d’autres, la paternité (dans le sens de la responsabilité de devenir père, parent) est une chose que j’ai longtemps repoussée. Puis un jour cela a changé et j’ai franchi le pas, nous avons franchi le pas. Ma vie a radicalement changé avec mes priorités. J’ai commencé ma vie de père classiquement, je travaillais « beaucoup » (en déplacements) pour subvenir aux besoins du foyer, donc avec une présence non quotidienne auprès de ma femme mais surtout de mon fils les deux premières années.

J’avais la satisfaction cependant de  remplir mon contrat et rôle de père et mari.

Sortir de sa zone de confort

Cet équilibre « confortable » financièrement a duré deux ans. Pendant ces deux ans je n’ai pas vu mon fils grandir, et je sentais que je loupais quelque-chose, mais il fallait bien faire bouillir la marmite !

Deux ou trois anecdotes sont pourtant venues m’alerter sur le père que j’étais et l’attente différente que pouvait avoir mon fils : si son premier sourire fut pour moi au retour d’une semaine de déplacement, il s’est aussi une fois effondre en larmes d’émotions en me voyant rentrer un autre week-end !

Bref quelque chose clochait…et ce malgré des moments courts et riches d’émotions pendant nos week-ends, comme lorsque mon fils dormait sur ma poitrine pour des siestes à deux, moments privilégiés pendant lesquels j’avais l’impression de remplir mon réservoir interne d’ocytocine ou encore lorsqu’il m’accueillait à la porte le vendredi soir, avec des effusions de joie dignes du retour du « Messie » !

Finalement, encouragé par des douleurs physiques qui rendaient quasi impossible la poursuite de mon activité, ainsi que d’un fort questionnement moral, j’ai quitté mon emploi et ai décidé d’en profiter pour me concentrer sur mon rôle de père au quotidien, conscient de ce que cela pouvait de positif, ainsi qu’à mon enfant évidemment et au bout du compte à mon cocon familial. 

Dans le même temps mon épouse avait entamé un processus de changement radical dans sa vision de l’éducation et de sa place de mère, mais aussi de notre place de parents : allaitement long, éducation « bienveillante », lectures de Maria Montessori, DME, cododo…

J’ai évidemment dû suivre le mouvement, presque naturellement dirais-je, en théorie, voire même avec des convictions profondes concernant certains sujets et devenant de ce point de vue un soutien fort pour ma femme dans son nouveau rôle de mère, parfois à contre-courant des stéréotypes familiaux et sociétaux encore bien ancrés.

Mais en pratique, pour d’autres sujets, cela n’a pas été aussi toujours simple : il m’a fallu accepter que l’éducation que j’avais reçue avait eu ses propres lacunes et « violences » et donc m’atteler à ne pas répéter certains schémas éducatifs hérités, pas forcement destructeurs mais pas non plus très bienveillants ni à l’écoute de mon enfant.

Un père à l’aventure de sa paternité…

J’ai dû partir à l’aventure de ma paternité, loin du schéma classique mais aussi à l’écoute de mes désirs et de mes ressentis d’aujourd’hui mais surtout d’hier…

J’ai dû me rappeler de moi, enfant, accepter de relire mes souvenirs sous un angle différent, plus objectif et parfois remettre en cause des comportements d’adultes envers moi que j’avais jusqu’à présent classés dans la normalité.

Le fait de respecter mon père et de le craindre n’était pas forcement antagoniste sinon logique, je suis persuadé aujourd’hui que mon autorité (dans le sens de respect) n’a rien à voir avec le fait d’inspirer de la crainte.

Je pense qu’être respecté par la crainte c’est juste se fourvoyer personnellement et, de plus, c’est abîmer la confiance en soi de son enfant. Cette notion de confiance en soi, on le sait aujourd’hui, rejoint des notions d’autonomie, de réussite d’accomplissement de soi, d’empathie…

Longtemps j’ai confondu autorité avec coercition, voire avec autoritarisme,  l’autoritarisme qui peut se définir comme « l’attitude de la personne qui contraint physiquement et/ou psychiquement les personnes qu’elle commande », le chantage affectif ou autre démonstration de force…

J’ai parfois des souvenirs d’éducation à la « dure » qui remontent non sans questionnement, comme ces quelques fois où mon père, en réponse à mes envies de confrontation, me serrait la main fortement, pour me montrer qu’il était le plus fort, faisant couler sur mes joues des larmes de rage, plus que de douleur, due à une humiliation ressentie, et qui à chaque fois me mettait en colère et nourrissait en moi des idées de revanche… Des moments de colère où j’ai pu lui lancer : «Un jour tu seras  vieux et je te casserai ta canne sur le dos»…

Je sais que ces démonstrations de force ne relevaient pas de désirs de faire mal gratuitement ni même de méchanceté et j’adorais mon père, mais en termes d’image de soi et de construction psychique efficace, je ne suis pas sûr que ce fusse la meilleure méthode…

Je referme la parenthèse.

Il me faut donc apprendre à passer de la notion d’autorité naturelle, dite de fonction (en tant que père biologique) à une autorité de compétences, qui ne va plus s’appuyer que sur la seule position de procréateur mais aussi sur ma capacité de père à développer et partager des savoirs, savoir-faire et savoir-être.

Je ne suis pas simplement respectable et respecté par mon enfant parce que je suis son père, ce serait un peu simpliste, ni parce qu’en ce moment je suis le seul à travailler à l’extérieur et donc à avoir une « importance sociale » dans la famille (ce n’est pas moi qui tient ce discours).

Et en « formation continue »…

Bref l’image ancestrale du père a disparu et il nous faut en réinventer une dans la douceur;

Je ne suis pas le copain de mon enfant, je suis son père, mais je peux me mettre à sa hauteur, sur un pied d’égalité avec lui, sortir du carcan d’opposition grand-petit, adulte tout puissant-enfant dominé, sachant-apprenant,  pour arriver à une relation d’égalité apprenant-apprenant, une relation d’homme à homme, au sens être humain, avec seulement quelques années d’écart…

Parce que finalement si en tant que père j’ai pour objectif d’accompagner l’évolution de mon enfant, d’accompagner son devenir d’ «adulte» responsable et accompli, son épanouissement, de le guider par mon regard bienveillant et mon retour d’expériences, en tant que « père en formation continue » je dois aussi savoir l’écouter, l’observer et apprendre de lui, être capable de remettre en causes mes schémas,  afin qu’il puisse faire de moi ce père dont il a besoin et dont aucun manuel d’instructions ne parle, puisque que parce que mon enfant est unique, je suis unique en tant que père de ce même enfant.

Gaël Cabot

Article écrit dans le dossier portant sur les pères du numéro 74 du Magazine Grandir Autrement  https://grandirautrement.com/boutique/magazine-numero-74-les-peres/

J'accompagne les femmes pour qu'elles deviennent les mères dont leur enfant a besoin

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